Quoi de neuf ?

mardi 24 février 2015

Baby-sitter blues de Marie-Aude Murail

Émilien, 14 ans, a horreur des gamins... Mais il a également besoin de sous et, en dehors du baby-sitting, il ne voit pas trop comment en obtenir. Le voici donc qui s'improvise garde d'enfants et s'en tire suffisamment bien pour se construire une belle réputation. Mais, forcément, quand tout commence à aller bien, il faut que cela se passe mal... L'humour omniprésent rend le tout bien sympathique.

Attention : il s'agit là du premier épisode d'une série de sept... L'aventure ne s'achève donc que partiellement. Un lecteur averti en vaut deux...

Baby-sitter blues de Marie-Aude Murail

Morceaux choisis :
"Je sais bien que je l'énerve à réclamer tout le temps. Mais avec 15 euros d'argent de poche par mois, je suis le smicard du collège."(p.10)

" "Je vous ai laissé le numéro de téléphone du Samu, du commissariat, des pompiers, des transfusions urgentes, des ambulances et du centre anti-poison."
J'avais dans l'idée que Mme Grumeau n'était pas tout à fait en confiance.
" (p.14)

"Devant mon Royco minut'soup à la tomate, j'ai repris les hostilités.
- Le week-end, je peux bien faire du baby-sitting ?
- Et ton travail ? Et ton volley ?
- Alors c'est non ?
- C'est non.
Je me suis servi du poisson pané surgelé Findus et j'ai dit :
- Je m'en fous. Je ferai mon casse. Comme je suis très maladroit, on me chopera. Et penses-y : trois ans de taule, ça fera très mauvais effet dans mon dossier scolaire.
- Émilien, dit ma mère entre ses dents, tu es usant... et je suis polie.
J'ai pris des pommes noisettes surgelées Vico et j'ai dit :
- Il y a longtemps que j'aurais fait une fugue s'il n'y avait pas ta bonne cuisine pour me retenir, ma petite maman.
" (p.65-66)

"- Un père te ferait marcher droit, toi.
- Les absents ont toujours tort, répondis-je." (p.66)

"- C'est quoi, "ça" ? me dit-elle enfin.
Elle venait d'effleurer ma jour délicatement bleuie.
- Je me suis acheté un boomerang. Mais je crois que j'ai mal lu le mode d'emploi.
" (p.67)

"J'ai très vite compris en apercevant Amandine pourquoi on lui avait fait une telle réputation. Ma connaissance du cœur humain (et dans ce cas précis du cœur masculin) me conduisait à penser qu'Amandine ne piquait pas vraiment les copains des autres filles. Ils venaient tout seuls." (p.81)

"À force d'entendre parler de vous sans vous voir, dit la mère d'Amandine, on finissait par se demander si vous existiez.
- Ça ne m'étonne pas, répliquai-je, il y a des jours où je me pose la même question.
" (p.82)

"J'ai vidé le congélateur et je me suis fait un dîner énorme. Calmars frits, cheeseburger, pizza aux fruits de mer. Quand Martha est partie, ma mère m'a rejoint à la cuisine. Elle a ouvert le frigo.
- C'est vide ?
- J'ai tout mangé. Les adolescents privés d'affection se vengent sur la nourriture.
" (p.91)

"Je n'avais pas osé demander mon argent de poche ce mois-là. Les affaires de maman ne marchaient pas. Elle n'en parlait pas mais elle passait souvent la main sur son front.
Un matin, j'ai vu un relevé de compte bancaire qui traînait sur la table du salon. J'ai hésité. Je me suis demandé : est-ce que je ne veux pas savoir par discrétion ou par lâcheté ?
" (p.111)

lundi 23 février 2015

Le chemin de Sarasvati de Claire Ubac

Dans la collection Médium de L'école des loisirs, Claire Ubac (que nous rencontrerons aux AIR...) relate l'aventure d'Isaï et de Muragan, deux jeunes indiens que les péripéties de la vie vont placer sur les routes de l'Inde. On les accompagne sur le chemin menant à Bombay, où les mauvaises rencontres sont légion...

Le chemin de Sarasvati de Claire Ubac

À la fin de l'ouvrage, un petit glossaire reprend le vocabulaire spécifique. Morceaux choisis :

"Ici, à Yamapuram, on parle tamoul. L'hindi était notre langue secrète à toutes les deux. [...] Nous chantions toutes les deux continuellement en travaillant. Tante cobra ne se doutait pas que nous en profitions pour communiquer.
– Ne tourne pas la tête et ne me réponds pas, chantait maman. Va chez la voisine l'aider à coudre pour le mariage de sa fille. Garde le triage des pois pour cet après-midi. Ta tante sera chez la voyante ; je t'apprendrai un hymne à Krishna.
Un peu plus tard, je modulais à mon tour :
– Maman, cache mon bol de lait caillé, Selvin se réveille de sa sieste !
" (p.35)

"Les dieux récompensent toujours la persévérance ; le problème est de savoir quand et comment ils exaucent nos prières. Leurs solutions ressemblent parfois à celles d'un gamin étourdi." (p.40)

"Je serre la main de Muragan, aussi fort que je suis d'accord avec lui. Le monde a besoin d'obéissance, mais également de désobéissance. D'obscurité, comme de lumière..." (p.121)

"Le pays peut se réjouir : la mousson vient de commencer." (p.124)

"J'aide à descendre le ballot qu'une vieille femme me désigne. Une fois les pieds par terre, au lieu de reprendre son bien, la vieille m'intime du regard l'ordre de la suivre. Je retrouve les coutumes de la campagne auxquelles je suis habituée : toute grand-mère est la tienne quand elle a besoin de toi. J’obéis donc sans discuter." (p.174)

"Ses gestes sont lents et doux, comme si elle proposait une miette à un écureuil rayé." (p.185)

"Elle habite chez une tante et ses parents lui manquent sans doute, car, bien qu'elle fasse bon accueil aux plaisanteries de ses amies, son sourire ne parvient pas jusqu'à ses yeux." (p.206)

"Qu'est-ce qu'un détective, sinon un espion de moindre envergure ?" (p.220)

"En vérité, une émeraude placée au fond d'une poubelle ne perd pas sa précieuse couleur pour autant !" (p.221)

"[Petites annonces :] Recherche assoiffé pour repêcher ma cruche en cuivre au fond du puits en échange d'eau pure ; journaliste emprunte burka à une fille musulmane pour passer inaperçue... ; Chirurgien cherche chasseurs de mouches pendant ses opérations ; Échange la recette de la soupe à la tête de poisson contre les ingrédients." (p.257)

"Je goûte la paix de ce moment. Personne au monde ne sait que je suis là [...]. Je ne devrais même pas y être. Pourtant, sans pouvoir l'expliquer, je me sens à ma juste place, exactement. Je suis une fibre de cet immense sari déployé entre le loriot qui lance son trille et Muragan endormi près de moi. Je suis cette conscience éveillée dans l'Univers !" (p.261)

dimanche 15 février 2015

"Oh, boy !" de Marie-Aude Murail

Un des plus célèbres romans pour ados de Marie-Aude Murail (que nous rencontrerons aux AIR fin mai) relate les déboires de la famille Morlevent, dont le père est introuvable et dont la mère des trois derniers enfants vient de mourir. Siméon, qui doit passer son bac avec quelques années d'avance, Morgane dont les adultes oublient souvent qu'elle existe et Venise, adorable poupée de 5 ans, voient donc leur sort remis entre les mains de Laurence Deschamps, juge des tutelles qui tente de noyer son désespoir dans les tablettes de chocolat qu'elle dissimule tant bien que mal à l'intérieur des tiroirs de son bureau. Les seuls parents éloignés auxquels il est envisageable de confier la garde des enfants sont la peu sympathique ophtalmologue Josiane Morlevent et le guère fiable Barthélémy Morlevent, leur demi-frère, incapable de dire non à son petit ami Léo. Entre les deux, les trois enfants vont rapidement choisir... C'est sans compter le destin, qui s'acharne...

Oh, Boy ! de Marie-Aude Murail

Morceaux choisis :

"– C'est quoi, ce que vous faites ? demanda Bart.
Morgane expliqua :
– Nous prenons les décisions de cette façon.
– Impec, approuva Bart. Je peux participer ?
– Oui, dit Siméon. Mais les cons parlent en dernier.
" (p.62)

"Je vais te faire de la peine, Bart, mais tu n'es pas mon modèle dans l'existence." (p.93)

"C'était si proche, c'était hier. Les mots avaient encore l'air vivants." (p.119)

"[Nicolas] avait envie de penser aux Morlevent, à cette fratrie exceptionnelle et exceptionnellement frappée par le destin. Siméon. Il fallait qu'il passe son bac. C'était devenu important pour [Nicolas]. Il fallait l'amener jusqu'à cette victoire. Après ? Après... Nicolas savait qu'il y a des victoires sans lendemain." (p.145)

"– C'est une ponction de routine.
– On voit que vous êtes du bon côté de l'aiguille !
" (p. 151)

"Merci d'être entré dans ma vie sans crier gare. Merci d'en avoir changé le cours et de m'avoir changé." (p.173)

samedi 14 février 2015

Bonne nouvelle !

Voilà une couverture qui fait plaisir... Muriel Szac m'avait dit travailler dessus lorsque je l'avais rencontrée en mars dernier, à la Fête du livre de Bron. La sortie est prévue pour le 12 mars...

Le feuilleton d'Ulysse
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La Fête du livre 2015 de Bron devrait, elle, accueillir Florence Aubenas, Olivier de Solminihac, Valérie Zenatti, José Carlos Somoza (oui, l'auteur de la bouleversante Théorie des cordes – 5 ans après l'avoir lue, elle est encore dans mon Top 10 – ou de la géniale Caverne des idées !), notre cher Timothée de Fombelle... Bref, les 6, 7 et 8 mars prochains devraient être un régal !

mercredi 11 février 2015

"La célèbre Marilyn" d'Olivier de Solminihac

Notre abonnement Maximax de février est un court roman (72 p.) d'Olivier de Solminihac : La célèbre Marilyn.

Il n'y a qu'un garçon, dans sa classe, à faire attention à Marilyn. Le jour où il tombe malade, elle se rend compte qu'elle n'a pas d'ami. Qu'elle n'existe plus pour personne. Elle décide donc de remédier à cela en devenant célèbre.

La célèbre Marilyn

A-t-on besoin d'être célèbre pour exister ? (Tiens, ça me rappelle l'instance avec laquelle une journaliste de TF1 voulait venir faire un reportage dans notre école, sans parvenir à comprendre qu'en fait, nous, cela ne nous intéressait pas...) En cette période où la nabilasation (fait de devenir célèbre sans raison : "T'es une fille et t'as pas de shampooing ? Non mais allô, quoi !") est facilitée par Youtube, aborder ce thème (peu traité en soi dans la littérature de jeunesse, d'ailleurs) est salutaire. De bons échanges avec les élèves en perspective... D'autant que certains détails font mouche, comme le fameux "Lionel Hénon", joueur de foot de l'école à l'aura indescriptible qui est une marque à lui tout seul alors que les autres s'appellent simplement par leur prénom, ou encore la référence à "la classe dont on n'a jamais su le nom" (p.52).

Morceaux choisis :

"Comme j'avais faim, l'après-midi a été long. Ou l'après-midi a été longue, je crois qu'on peut dire les deux. De toute façon, j'avais tellement faim que l'après-midi a été à la fois long et longue." (p.16)

"– Tu crois qu'on peut exister sans rien faire ?
– Mmm... oui. Maintenant on ne fait rien. On existe quand même. Mais on ne peut pas exister tout seul. On doit exister pour quelqu'un.
– Tu existes pour moi, j'ai dit.
Elle a fait un mouvement de la tête, qui pouvait vouloir dire non.
– Ça ne suffit pas, a dit Marilyn. J'ai besoin de plus.
” (p.37)

"– Bonne nuit, chef.
– Attends, juste une question. Qu'est-ce qu'ils sont devenus, tous ces sports ?
– Devine, a dit papa.
Ce qui était la dernière chose à dire s'il voulait que je m'endorme. L'énigme est le contraire du sommeil. Conséquence, j'ai passé une partie de la nuit à me creuser la tête en nous imaginant, Marilyn et moi, gagner la Coupe du monde de trottinette américaine.
" (p. 40-41)

"Ce sont les vacances d'hiver, celles entre toutes que j'aime le moins parce qu'on ne va jamais au ski, parce qu'on ne va jamais nulle part en février, parce qu'il fait froid et moche, parce que ça ressemble à quand on est malade, en moins bien." (p.60)

dimanche 1 février 2015

"3000 façons de dire je t'aime" de Marie-Aude Murail

Le numéro de novembre dernier de l'abonnement Médium de L'école des loisirs consistait en ce beau roman de Marie-Aude Murail, auquel j'ai enfin pu me consacrer. Loin de ce que titre pourrait laisser craindre, nous avons là une belle histoire d'amitié et d'amour qui amène trois adolescents, Chloé, Bastien et Neville, à découvrir puis se prendre de passion pour le théâtre, sous la direction de Jeanson, leur professeur. De nombreuses citations, et quelques belles perles qui font éclater de rire rendent le tout particulièrement plaisant. On notera une bizarrerie dans la narration, qui alterne entre omniscience et première personne du pluriel.

3000 façons de dire je t'aime

Morceaux choisis :

"Elle en arriva un jour à citer le ténébreux psychanalyste Jacques Lacan :
- L'amour, c'est donner ce qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas.
- Eh bien, c'est gai, conclut Chloé." (p.27)

"Chloé, qui avait rêvé de faire pleurer ses parents en mourant sur scène, fut complimentée pour son talent comique par le jury du baccalauréat. Madame Gillain avait donc raison, la vie est un malentendu." (p. 28)

"Affalés dans un canapé, ses parents regardaient Jacques Villeret se démener au beau milieu du Dîner de cons. La tristesse saisit Bastien à la gorge sans crier gare. Il la délogea en secouant la tête et partit s'enfermer dans sa chambre. Il ferait rire. C'était sa vocation. Il ferait rire les gens fatigués qui s'affaissent le soir devant leur télé, la zapette à la main." (p.48)

"Il ne comprenait pas d'où lui venaient ces émotions. Étaient-elles contenues dans les mots couchés sur le papier ? Ou bien avait-il dans son cœur un réservoir de haine et de souffrance, quelque chose d'effrayant comme une envie de tuer ?" (p.62)

"– Je ne suis pas là pour vous tourmenter [leur dit leur professeur de théâtre] Enfin... si, un peu. Il faut bien que j'aille vous chercher où vous êtes. Les escargots, on les sorts avec une pique." (p.69)

"Neville jouait son rôle en restant sur place, semblable aux acteurs d'autrefois qui faisaient le sémaphore face au public, la main au front pour exprimer le désespoir, au cœur pour dire j'aime et au loin pour dire adieu." (p.115-116)

"- Il est amoureux de qui, Chérubin ? voulut savoir Clélia. De Suzanne ou de Fanchette ?
- Des deux, répondit Neville. Et de sa marraine, la belle comtesse.
- Mais on ne peut pas être amoureux de trois personnes à la fois ?
- Si. C'est la puberté.
- Ah ? fit Clélia, décidément intéressée." (p. 118)

"- Il faut que tu apprennes ton rôle.
- Je commence à le savoir, éluda Bastien.
Personne, pas plus Neville que Jeanson, ne le contraindrait à travailler. Ou ce serait l'effondrement de sa personnalité." (p.120)

"Nous étions pris de la même fatigue, nous nous sentions bien, la tête toute sonore de ces phrases que nous venions de dire et qui ne nous appartenaient pas." (p.134)

"Le monsieur de Bellac : Dites-leur qu'ils sont beaux.
Agnès : Leur dire qu'ils sont beaux, intelligents, sensibles ?
Le monsieur de Bellac : Non ! Qu'ils sont beaux.
C'était le secret. Dire aux hommes, à tous les hommes, y compris les laids, les bancals, les pustuleux, les huissiers, qu'ils sont beaux.
Agnès : Ils ne le croiront pas.
Le monsieur de Bellac : Tous le croiront. Ils le croient d'avance." (p.155 - extrait de L'Apollon de Bellac de Jean Giraudoux)

"Le lendemain, Bastien, qui avait à se faire pardonner, obtint l'adresse de Jeanson en usant de ses charmes auprès de la concierge du conservatoire.
- Et j'ai du mérite. J'aime pas trop la moustache chez une femme." (p.172)

"Mais tu n'es pas ton spectateur ! Tu dois t'observer de l'intérieur, pas de l'extérieur. Autrement, tu vas devenir comme ces acteurs qui font les mêmes gestes au même endroit à la même heure, qui gargouillent "arg" avant de mourir et se couvrent les yeux de la main pour indiquer qu'ils sont en train de pleurer. (p.179)

"– Ils sont partis. Je suis libre !
– Libre ? fit Neville en écho. On est toujours libre aux dépens de quelqu'un. C'est ennuyeux, mais c'est normal.
– C'est dans Caligula, expliqua Bastien à Chloé. Nous parlons le Caligula à longueur de journée." (p.200-201)

"Tu ne dois pas chercher en toi le texte, mais uniquement le sentiment qui te pousse à le dire. Que les mots te montent aux lèvres parce que tu ne peux plus les retenir." (p.209)

Si ça ne donne pas envie de se replonger dans ses classiques, tout ça... ;o) L'auteure, qui en est consciente, a gentiment regroupé les références en fin d'ouvrage.