La section pédagogie de la Fnac Lyon-Part-Dieu est à pleurer (deux maigres rayonnages, à dix et quarante centimètres du sol, pour les motivés). Bon, l’intérêt, c'est que les nouveautés sont, de fait, mises en valeur puisqu'elles trônent à plat à portée de main des gens qui ne se baissent pas... C'est ainsi que j'ai feuilleté puis suis sorti du magasin avec Le Petit Maître d'Alain Delacour. L'auteur, écrivain public, y relate une série de conversations téléphoniques qu'il aurait eues avec un garçon du huit ans, désireux "d'apprendre des choses aux grandes personnes".


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L'idée est sympathique, même si le chapitrage et certaines répétitions donnent l'impression que ce roman est constitué d'une série de chroniques publiées dans une revue. Je ne souscris pas à tout (en particulier à une sorte de délire new age en fin d'ouvrage sur les "couleurs", le manichéisme un peu facile et le lien des enfants avec un passé invisible qui serait oublié ensuite)... Non, la richesse du texte est ailleurs : celui-ci initie un questionnement sur la classe qui tombe pile-poil au moment où l'on envisage les aménagements de l'année prochaine, les projets dans lesquels il faudrait se lancer et que l'on n'aura pas l'occasion de mettre en place d'ici début juillet... Et puis il peut constituer une petite piqûre de rappel pour celles et ceux qui ont lu Le Jour où j'ai commencé à aimer l'école. Voici, ci-dessous, quelques extraits que j'ai notés...

"C'est pas parce que tu t'embêtais à l'école qu'il faudrait que nous, aujourd'hui, on s'y embête." (p.37)

"À l'entendre parler, de lui et de ses camarades, j'ai l'impression que les enfants d'aujourd'hui sont différents de ceux de ma génération. Ils paraissent moins dociles, plus éveillés, plus dynamiques, plus créatifs. Plus spontanés aussi : j'ai l'impression qu'ils disent des choses que nous n'aurions jamais osé dire il y a vingt ou trente ans. S'ils sont tellement différents, ce n'est pas étonnant que les méthodes éducatives qui marchaient à peu près quand j'allais à l'école, ne fonctionnent plus vraiment aujourd'hui. Elles sont loin d'avoir évolué à la même vitesse que les enfants." (p.38)

"Elle a un truc génial pour nous aider à progresser. Des fois, au lieu de nous faire faire une dictée, elle écrit au tableau un texte avec plein de fautes. Eh ben je peux te dire, quand c'est la maîtresse qui les fait les fautes, on les voit tout de suite." (p.43)

"On joue aussi au Scrabble ou au Diamino." (p.44)

"Un jour, après leur exposé, des élèves-prof ont proposé de faire une interro." (p.48)

"D'abord, tu commences par rédiger un énoncé. Quand t'as fini, tu le montres à la maîtresse. Si c'est trop facile ou trop difficile, elle t'aide à changer des choses. Quand c'est bon, tu vas écrire au tableau l'exercice que tu as inventé. Les autres, ils doivent marquer le résultat sur leur ardoise et te le montrer." (p.49)

"Je serais curieux de savoir ce qu'il y avait comme promesses dans vos programmes.
– C'était du style : "On téléphonera aux élèves malades le soir pour savoir comment ils vont [...]."
(p.65)

"Tous les jours, avant la fin de la classe, t'as un élève qui dit ce qu'on doit mettre dans nos cartables pour faire nos devoirs à la maison." (p.74)

"Quand elle rend les copies, elle met toujours deux notes : une note de correction et une note de progression." (p.104)

"C'est vrai qu'on a tendance à s'imprégner de l'état émotionnel de la personne, ou "des" personnes, en présence desquelles on se trouve. C'est vrai pour les adultes, mais sûrement davantage encore pour les enfants. Ça peut être instructif, d'ailleurs : quand nos enfants sont énervés, ça peut nous aider à nous rendre compte qu'on l'est nous-mêmes." (p.114-115)

"Qu'est-ce que tu veux, nous vivons dans un monde matérialiste. On aime bien être entourés d'objets. Sans doute ont-ils une fonction rassurante pour les grandes personnes. Un peu comme les doudous ou les jouets pour les petits enfants." (p.116)

"À nous, les parents, les enseignants, d'aider ces dons à se révéler." (p.166)

J'ajouterai que l'épisode des additifs alimentaires (p.60) a certainement initié une recherche que nous avons faite en classe récemment sur les ingrédients d'une immonde soupe de vermicelles aux crevettes que nombre d'élèves dévorent quotidiennement crus en guise de... goûter. 17 additifs, dont 8 qualifiés de toxiques à très toxiques...

Le petit maître, Alain Delacour, Éditions Le Souffle d'Or, Collection Naître et grandir, 184 p., mai 2014, 12,50 €, ISBN 978 2840058511 4