Quoi de neuf ?

samedi 29 mars 2014

S. (ou Le bateau de Thésée) par J.J. Abrams et Doug Dorst...

... à moins que ce ne soit par V.M. Straka.

Il existe des livres-objet, là nous avons affaire à un livre-objets, aux multiples niveaux de lecture. Le bateau de Thésée se présente comme un ouvrage de bibliothèque, ultime roman du très mystérieux V.M. Straka.


Cliquez sur le boîtier pour accéder à la page de l'ouvrage à la Fnac.

Il y est question de S., un homme sans passé, sans identité, entraîné malgré lui au delà des mers dans une lutte sans fin entre les agents du magnat de l'industrie de l'armement Vévoda et d'inlassables résistants. L'histoire est accompagnée des notes de bas de page de sa traductrice, F.X. Caldeira, parsemées de codes secrets. Le livre en lui-même sert de support d'échanges, de débats et de découverte mutuelle entre deux étudiants, Jen et Eric, passionnés par les énigmes qui entourent le fameux V. M. Straka et par les controverses qu'il suscite. À l'intérieur des pages, ceux-ci ont inséré de nombreux objets (lettres, coupures de journaux, cartes postales, plan tracé sur une serviette en papier, roue de décodage, etc.), objets qui sont autant d’indices permettant au lecteur final de reconstituer, au moins partiellement, leur histoire. Le tout donne un bel ouvrage de près de 500 pages qui, par sa complexité, bouleverse nos habitudes de lecture (on ne peut d'ailleurs pas le lire couché car "tout tombe" !)

Le titre du roman fait référence à un paradoxe philosophique, celui du bateau de Thésée, qui aurait été conservé par les Athéniens. Au fil des décennies, certains éléments vermoulus auraient dû être remplacés à l'identique. Mais, si l'on change ne serait-ce qu'un clou ou une planche du bastingage, est-ce toujours le bateau de Thésée ? A priori, on répond oui... Et si l'on en change deux ? Toujours... Arrive le moment où l'on effectue le remplacement du dernier élément d'origine de ce que l'on considère encore comme étant le bateau de Thésée. Est-ce toujours son bateau ? Pourquoi ne le serait-ce plus alors que, jusqu'alors, la modification d'un seul élément ne remettait pas en cause son identité ?

Et si l'on imagine qu'au lieu d'être jetés les éléments vermoulus d'origine retirés du bateau ont été conservés et utilisés pour reconstruire un second bateau. On se retrouverait alors avec deux bateaux de Thésée ? La question de l'identité d'une personne et de sa permanence au fil du temps est omniprésente dans les interrogations du personnage principal et des deux étudiants qui correspondent dans les marges de l'ouvrage.

Une lecture qui restera en mémoire pour un prix très raisonnable (moins de 25 euros) étant donnés le caractère complexe de l'édition de cette œuvre (fac-similé tout en couleur, nombreux objets insérés) et la qualité du papier. Bravo aux auteurs et une pensée particulière pour les deux traducteurs Serge Filippini et Jean-Noël Chatain, qui ont dû vivre un véritable enfer. Celles et ceux qui le souhaitent peuvent prolonger leurs recherches à l'aide des nombreux sites Web et forums que cet ouvrage a inspirés.


Cliquez sur la miniature pour agrandir la photo.

Au cas où vous craindriez que votre exemplaire soit incomplet ou qu'une erreur d'inattention vous ait conduit à déplacer les objets insérés dans l'ouvrage, voici la liste imprimable des éléments ajoutés ainsi que leur emplacement dans mon livre. J'ai vérifié auprès des services (efficaces) de l'éditeur : cette liste est exhaustive.

Voici quelques morceaux choisis, que j'ai notés au fil de ma lecture :

"Deux fois par jour, un pauvre diable est jeté par-dessus bord dans les basses eaux de la rade et rejoint les quais à la nage, en quête d'un verre, d'une putain, et d'un nouvel employeur, sans doute dans cet ordre." (p. 16)

"La dernière chose dont un homme sans souvenirs a besoin, c'est de s'en faire de nouveaux." (p. 45)

"S'il pouvait se reposer, rassembler ses forces, alors il arriverait à décider laquelle de ces options conviendrait le mieux. Il serait alors en mesure de choisir la chose à faire au lieu de simplement la faire." (p. 73)

"Pour les gens comme Vévoda, la bonté est une ressource exploitable, comme le charbon ou le zinc." (p. 84)

"Ce n'est pas une route très fréquentée ; elle l'a été un jour, il y a des siècles, mais elle ne l'est plus - routes et chemins de fer ont emmené les gens dans d'autres directions."(p. 128)

"Une bénédiction de son amnésie : il n'a aucune connaissance de quelque relation que ce soit avec les autres, et donc pas à craindre qu'elle ne soit rompue, pas de relation à établir, pas de relation perdue à regretter. Quelle chance d'être protégé contre de telles choses, d'ignorer le sentiment d'abandon ressenti par quelqu'un d'autre." (p. 130)

"Ce que je me demande [...] c'est si ces gens du journal étaient conscients d'imprimer des mensonges." (p. 149)

"Nous inventons des histoires parce qu'elles nous aident à exister dans le chaos du monde." (p. 151)

"S'il faut mourir, que ce soit sur une plage, bon Dieu." (p. 185)

"C'était juste quelqu'un qui essayait de faire ce qui le rendait heureux et gérer avec ce qui le rendait triste." (p. 281)

"C'est drôle, se dit-il, quelquefois il se fait remarquer par ceux qui ont bu, et non par ceux qui sont sobres." (p. 311)

"Alors peut-être qu'on devrait se saouler.
- Ne cause pas dans le vide, mec. Tu dis où & quand, c'est tout.
" (p. 311)

"Comment vous faites pour lire les nouvelles d'hier un jour comme aujourd'hui ?" (p. 311)

"L'important, c'est ce que tu fais, pas comment on t'appelle." (p. 347)

"S'ils avaient besoin de leur histoire, c'est parce qu'ils n'avaient rien d'autre. Réfléchis à ce que fait Vévoda : il aide les gens à remodeler leur monde par des moyens dynamiques. Par des moyens inventifs. Il propose des modèles de compréhension. Il y a destruction, d'accord, mais elle est au service de..." (p. 376)

"Quelle est l'histoire qu'il se raconte ? Qu'il est un homme sur un bateau au bord de la civilisation? Qu'il est un homme naviguant au bord d'une vie qui n'aurait jamais dû être la sienne ?" (p. 387)

"Une machine à écrire repose sur le plancher ; il l'utilise seulement quand l'appartement est si froid que l'encre ne coule plus du stylo." (p.392)

"- Dans la mesure où tu le sais, qui suis-je ? [...]
- Ce que tu demandes, c'est qui tu étais.
" (p. 409)

"Il voit les étoiles, il n'a plus besoin des constellations." (p. 409)

"Tu peux parler de négligence. [...]
- Tu pourrais aussi parler de confiance.
- Je pourrais [...] D'après mon expérience, les deux mots sont synonymes." (p. 433)

"Nous sommes nous, et nous le sommes depuis très, très longtemps. Alors, en un sens, je suis toi." (p. 435)

"Nous prospérerons [...], aussi longtemps que vous choisirez d'extraire plutôt que de créer, aussi longtemps que vous confondrez art et commerce, progrès et destruction, aussi longtemps que vous enivrera le jus produit par l’écrasement d'une chose, d'un pays, d'une personne. Nous prospérerons aussi longtemps que vous mélangerez le pouvoir et l'influence, l'honneur et la suprématie, les moyens et la fin, le devoir et la responsabilité, car c'est ainsi que nos affaires peuvent... se perpétuer... c'est ainsi qu'elles peuvent tourner à un rythme toujours plus rapide. Notre plus grand espoir est de continuer à exploiter vos rêves toxiques et de le faire sans limitation aucune, car ainsi nous pouvons réclamer nos pourcentages prénégociés sur votre infinité personnelle et - dans bien des cas - sur celle de vos adversaires." (p. 461)

"Lancer un [... (spoiler)], c'est prendre les ferments de colère des personnes égarées, et s'en servir pour égarer ailleurs d'autres personnes. Une réaction en chaîne : des effacements, et la contagion ordinaire de l'oubli." (p. 467)

jeudi 20 mars 2014

"Déclaration d'anniversaire" d'Éléonore Cannone

Un bon bouquin pour ados, court et original : Déclaration d'anniversaire d'Éléonore Cannone.

Aurélien fête aujourd'hui ses 17 ans. Ce soir, il compte faire une annonce qui risque de bouleverser ses deux mères. Un couple un peu bobo qui a déjà eu à lutter contre l'intolérance et se targue d'avoir l'esprit ouvert ne devrait pourtant pas l'angoisser tant que ça... À moins que...

Nous suivons le déroulement de la journée au travers des yeux de différents protagonistes (dont le chat de la maison), et quelques trouvailles savoureuses nous conduisent inévitablement vers la confrontation finale, tant attendue et redoutée.


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Il est épuisé et donc hors de prix chez Amazon.

"J'ai décidé de me lever. Je n'en peux plus d'entendre maman s'agiter dans la cuisine en essayant désespérément de ne pas faire de bruit. En général, elle fait tout autant de bruit. Seulement, au lieu de faire un grand bruit une mauvaise fois pour toutes, elle fait une quantité de mini-bruits énervants : petits raclages de soupière, petite ouverture du frigo, crissement continu de la porte, petite fermeture du frigo..." (p.16)

"C'est parfois tentant de réinventer le passé pour le mettre à la hauteur du présent." (p. 22)

"J'avais douze ans. Tout le monde avait l'air de trouver très mignon qu'un "gamin" pense être amoureux. Ils n'avaient rien compris, ces imbéciles. Je ne pensais pas être amoureux. Je l'étais. Je n'avais pas choisi de tomber amoureux. Ça m'était tombé dessus par hasard. Je ne pouvais rien y faire. On n'est pas protégé contre l'amour parce qu'on n'a que douze ans. Ça arrive à tout âge. Simplement, c'est plus difficile quand on est jeune. Personne ne vous prend au sérieux." (p. 37)

"Il m'arrive aussi, de temps en temps, de laisser un livre que j'aime particulièrement sur un banc." (p.47)

"Quand on doit partir tous les jours perdre sa vie à faire un métier qu'on déteste, quel qu'il soit, on devient aigri, on finit par ne plus penser qu'à ce que ce travail peut nous rapporter." (p. 76-77)

"C'est ce qu’elle a toujours été : une chercheuse. Pas de celles qui trouvent. Pas de celles qui découvrent. Pas de celles qui inventent. De celles qui cherchent. Inlassablement." (p.81)

vendredi 14 mars 2014

Publication des Docs de Mon Quotidien n°46 : Les 2 Guerres Mondiales

Le numéro 46 (6,00 €) présente 70 fiches illustrées traitant des deux guerres ainsi que des personnages célèbres y ayant participé. Des interviews et des cartes des lieux à visiter sont intercalées entre les infographies.


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mardi 4 mars 2014

Passeuse de rêves de Lois Lowry

Pour reprendre une idée suggérée par Timothée de Fombelle : quelle chance ont ceux qui n'ont pas encore lu Le Passeur... Il leur reste (au moins encore) une lecture marquante à faire... J'avais grandement apprécié cette trilogie (dont le premier tome est exceptionnel) et avais quelque peu mis les autres ouvrages de cette auteure de côté. Nouvelle jolie découverte : "Passeuse de rêves"...


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Promis : le contenu est bien meilleur que l'esthétique de la couverture...

[Spoiler] Petite est en formation. Elle entre, la nuit, dans les maisons, extrait leur histoire des objets et les octroie sous forme de rêve aux humains. La vieille femme et le chien dont elle a la charge vont bientôt accueillir un jeune garçon dont tout ce qu'ils savent est qu'il est "en colère". Une colère susceptible d'attirer la Horde des Saboteurs, des passeurs de rêves qui ont mal tourné et transmettent des cauchemars. Une histoire touchante qui aborde sans pathos la question de l'enfance maltraitée.

"Les moments tristes aussi, c'est important. Si jamais je dois former un passeur de rêves débutant, un jour, c'est une des choses que je lui apprendrai : il faut inclure les moments tristes, parce qu'ils font partie de l'histoire et qu'ils doivent faire partie des rêves." (p.115)

lundi 3 mars 2014

L'école est finie d'Yves Grevet

Une nouvelle d'une quarantaine de pages, dans la lignée de l'indispensable Matin Brun de Franck Pavloff : L'école est finie nous dépeint la société de 2028 dans laquelle les enfants dont les parents ne peuvent payer les frais de scolarité des écoles ordinaires sont généreusement accueillis par des établissements privés d'entreprises. En échange d'un engagement d'une quinzaine d'années et de quelques heures passées quotidiennement à remplir les rayons ou les boîtes de hamburgers, ils bénéficient d’une formation épurée qui leur permettra d'appréhender au mieux leur futur emploi. Quelques instits retraités résistent et ont monté des "écoles du maquis"... Mais gare à eux s'ils se font prendre...


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Yves Grevet est instit. Bon, heureusement, c'est de la fiction et ce n'est pas chez nous que l'école serait vendue corps et âme aux entreprises, n'est-ce pas ?