J'ai reçu plusieurs des parutions récentes de la SEDRAP... Je les détaillerai dans de prochaines chroniques, mais je crois utile de parler dès maintenant d'une sacrée surprise qui a pris la forme d'un petit bouquin sans prétention, si ce n'est le titre à même de titiller plus ou moins consciemment le narcissisme enseignant : Le Jour où j'ai commencé à aimer l'école, de Lynda Marty. Il y est question de Lucien, un élève pour qui l'école est plus une souffrance qu'autre chose, étant donné qu'il est nul en orthographe (est cet un eufémism). Son instit lui rend la vie dure, et le découragement guette...

Du classique sympathique, en quelque sorte. Ce n'est quand même pas une collègue (esprit de corps : l'auteure est enseignante) qui va mettre mettre un coup de pied dans la fourmilière...


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La lecture commence tranquillement (dans la mesure où l'on parvient à rester tranquille face à un ouvrage qui respecte la nouvelle orthographe ;o) )... Du classique sympathique, vous dis-je... Il y a bien quelques passages étonnants, comme la description hilarante de la coiffure de l'enseignant, ou encore de belles remarques sur les IUFM ESPE ("Les maitres doivent avoir des leçons de froncement de sourcils et de pincement de lèvres à l'école des maitres !"), mais rien qui nous prépare au retournement de situation qui se produit au milieu de l'histoire. Je ne veux pas trop en dire, car je hais les spoilers... Je mets juste en garde : l’ouvrage est subversif et séditieux.

Subversif (qui tend à menacer, à provoquer ou à renverser l'ordre établi). Séditieux (qui incite à se révolter). Mais alors, tout en finesse. Des décennies que des instits (du mouvement Freinet ou d'ailleurs) travaillent sur les droits de l'enfant, organisent des Quoi de neuf ?, effectuent quotidiennement des toilettages de textes... Voilà que Lynda Marty nous emballe tout ça dans un discret paquet cadeau, le planque au beau milieu d'un sapin d'une collection à succès et attend (imaginé-je), tranquillement, que ses milliers de petites bombes disséminées par des fonctionnaires pressés dans les valises pédagogiques des circonscriptions, les étagères des BCD ou les bibliothèques de classe, éclatent et essaiment.

Étant données les réactions de mes élèves lorsque nous avons lu ce roman en classe, je n'ai pas de doute : l'ouvrage a sa place dans le club très fermé des romans qui peuvent profondément changer le regard et/ou les pratiques enseignantes (ou, si l'on est remplaçant, semer la zizanie bien après notre passage dans une école ;o) ). Il est même dans mon top 3 actuel, avec (forcément) Joker de Susie Morgenstern et Les tartines au ketchup de Marie-Sabine Roger. Des bouquins qui remuent un peu plus que prévu initialement et font briller des perspectives nouvelles...