Quand on habite à Lyon, près de Gerland, et qu'on n'est pas fan de foot, on est habitué à se déplacer en direction du Nord pour trouver des choses intéressantes. Depuis quelques années, le quartier désormais appelé "de la Confluence", au Sud-Ouest de Gerland, est en pleine réhabilitation ; c'est-à-dire que le centre commercial le plus mal pensé d'Europe (il y a un véritable boulot universitaire à faire sur cette accumulation d'idées stupides...) côtoie l'hôtel de région flambant neuf (enfin, pas trop flambant, espérons, vu la quantité de bois qui le recouvre) et d'immondes zones de pseudo-décharge bobos qui accueillent des expositions (la Sucrière), des vogues ou des cirques. À cela s'ajoute la prolongation du tramway, la création du Pont Raymond Barre (non, SVP, ne riez pas...) et donc, le désormais ouvert Musée des confluences, qui était pour moi jusqu’alors plus proche d'une bouse de l'espace que d'autre chose. J'ai décidé d'aller voir à quoi ressemblent les 530 € d'impôts locaux que cet édifice m'a virtuellement coûtés.

Musée des Confluences de Lyon
Le musée, vu de son parvis.

Notez que le trou, au milieu de la toiture, est volontaire. Sans doute est-ce un hommage de l'artiste à l'état des finances municipales après que ce projet, voté pour 60 millions d'euros, en a déjà coûté 260 (l'indicatif qui suit "après que" est vraiment moche).


Musée des Confluences de Lyon
Le Pont Raymond Barre, lui, n'a coûté que 20 millions d'euros.

Effectivement, si vous êtes de mauvaise foi, vous observerez qu'il y avait déjà un pont à peu près 6 mètres derrière mais bon, quand on aime les ponts, on ne compte pas.


Musée des Confluences de Lyon
Vue, justement, de la confluence, entre le Rhône (à gauche) et la Saône (à droite, si vous avez suivi).

Il y avait foule à l'entrée (double queue de 300 personnes parquées par des bonshommes orange fluo devant et autant à l’intérieur). J'ai décidé de laisser tomber pour cette fois. Avisant le panneau "boutique", sur le côté, je me suis dit que je n'avais pas tout perdu, et que je trouverais peut-être un ou deux jolis cadeaux de dernière minute. Ben, du coup, je suis rentré à l’intérieur du musée, mais sans faire la queue et sans l'avoir prévu.


Musée des Confluences de Lyon
Le mammouth de Choulans, connu de tous les petits Lyonnais nés avant 1995.

Bon, la boutique est très chouette. Mis à part le fait que l'on doive essayer trois ou quatre portes avant de s'apercevoir qu'il n'y a qu'une seule entrée/sortie, sans détecteur ni gardien. À l’intérieur, tout est basé sur la confiance, vu que les deux sympathiques caissières sont débordées et que chacun est invité à se servir lui-même de ce qu'il veut. Je ne suis pas convaincu que l'état des stocks corresponde au décompte des caisses à la fin du mois...


Musée des Confluences de Lyon
Une belle collection de bêtes à cornes.

Parmi les petites choses vendues parfois très cher (90 €), on trouve des morceaux de la Lune (admettons, sur les quelques centaines de kilos rapportés, c'est plausible...), mais également des morceaux de Mars (j'ignorais qu'on avait réussi à faire décoller quelque chose de cette planète). Mouais...


Musée des Confluences de Lyon
Étant donnée leur taille, ce doivent être des tigrous de Sibérie.

Une fois ressorti de la boutique (avec sac et ticket de caisse s'il-vous-plaît), un dilemme s'est posé à moi : laisser tomber, comme prévu, ou bien faire la queue avec les 300 personnes, devant les 300 autres que j'avais honteusement grillées. Un des vigiles gardiens balayeurs cerbères employés du musée m'a tiré de l'embarras en m'indiquant que, pour acheter un Pass permanent (je ne suis plus à 30 euros près, étant donné ce que m'a déjà coûté cette bâtisse), il ne fallait pas faire la queue avec tout le monde, mais se rendre à un autre stand, devant lequel ne patientaient (Alléluia !) que dix personnes. J'ai donc rangé ma culpabilité dans mon sac de la boutique, avec mon guide à 15 €. Mon karma m'a rattrapé puisque j'ai dû patienter un bon quart d'heure en compagnie d'un pseudo François Pignon (dans la version du Dîner... jouée par Jacques Villeret, si vous voyez).


Musée des Confluences de Lyon
Les conservateurs ont un peu plié le cou de la girafe, mais cela permet de mieux la voir...

Sitôt muni du précieux sésame, c'est parti pour le premier non le deuxième étage, en passant par un escalier mécanique visiblement en fin de vie, étant donné ses grincements insupportables. Deux ou trois agents du musée se tiennent à ses côtés dans ses - visiblement - derniers instants et prient intérieurement pour qu'il tienne jusqu'à la fermeture. Parce qu'en fait, le Plan B consiste en deux petits ascenseurs dont un est en panne. Et que dans ce musée qui fait plutôt petit vu de l'extérieur, un étage fait 10 mètres. Et que faire monter 10 mètres à une foule par un escalator en panne, c'est un défi du Téléthon, pas du quotidien.


Musée des Confluences de Lyon
Un babouin qui se demande visiblement pourquoi on lui a flanqué un lapin atteint de myxomatose juste à côté.


Arrivé au deuxième étage, celui de l'exposition permanente, je pars à droite en direction d'un cul de sac. En fait, non, ce sont les toilettes, mais j'ai pas envie. Je rebrousse donc chemin, étonné que personne ne m'ait demandé de montrer mon super-pass-annuel-de-la-mort-qui-tue. Finalement si, trois personnes, dont, décidément, je ne parviens pas à comprendre si ce sont des vigiles, des gardiens, des tueurs à gage, des étudiants ou des chefs de rayon, sont postées dans le passage et scannent vaguement à la volée les tickets.

Musée des Confluences de Lyon
Un biface ! Vite, une photo pour les élèves : nous bossons la Préhistoire...

Là, pas de bol, la salle 21, qui a l'air d'être la plus intéressante, est précédée par une queue de 300 personnes (encore !). On verra une autre fois... Tiens, un tunnel sans indication. Bizarre, les gens ont plutôt l'air de sortir, on verra plus tard... Je me dirige donc vers la salle 22. Qui est noire. Bonne nouvelle, un type visiblement chargé d'abattre sur le champ tout visiteur qui s'aviserait de toucher un poil de l'ours brun empaillé m'informe que les photos sont autorisées, mais sans flash. Du coup, c'est très pratique d'avoir plongé toutes les salles dans une pénombre telle que personne n'ose lâcher la main des enfants de moins d'1,20 m de crainte de ne pas les retrouver, si bas.


Musée des Confluences de Lyon
Derrière les reflets sur les vitres, des papillons...

J'avance donc, plus ou moins à tâtons. Je retrouve des animaux que j'avais vus enfant (moi, pas eux) au musée Guimet, à côté du Parc de la Tête d'Or, avant que celui-ci soit fermé pour des raisons de sécurité. Bon, un animal empaillé, ça ne ressemble pas toujours à l"original. Un pauvre lapin tout pourri est visiblement là pour nous le rappeler (celui de ma classe, quoique extra-nain, est beaucoup plus vaillant).


Musée des Confluences de Lyon
Bon, il y a de très belles pièces...

Je change de salle. La 23 est gardée par un cerbère qui ne veut laisser entrer personne. On verra donc une autre fois.


Musée des Confluences de Lyon
Là, c'est le conseiller municipal qui a voté pour un musée à 60 millions...

Je vais dans la 24. C'est l'inventaire à la Prévert. Le thème principal tourne autour des activités humaines, et l'on trouve donc un peu tout et n'importe quoi. C'est plaisant, quoiqu'encore super-sombre : équipement de samouraï, machine à pasteuriser je ne sais quoi, accélérateur de particules des années 1930, machine à crypter de l'OTAN, vieille voiture, plus des petites salles avec des vidéos sur lesquelles se superposent des jeux genre "ping - 1980" prises d'assaut par des enfants. Bon, on reviendra plus tard...


Musée des Confluences de Lyon
Ici, c'est le même, après avoir pris connaissance du dérapage financer de 200 millions.

Je quitte la 24 et décide de prendre le couloir sombre sans nom. Tiens, j'arrive au milieu de la 21, mais il y a un muret qui nous sépare des visiteurs. J'en profite pour admirer, de loin, le mammouth de Choulans, qui a fait rêver (ou cauchemarder, c'est selon) beaucoup de petits Lyonnais pendant des décennies.


Musée des Confluences de Lyon

Je descends un escalier, sans indication... J'arrive face à un grand tableau, judicieusement plongé dans la pénombre pour qu'on n'arrive pas vraiment à savoir ce qu'il représente. A priori des ambassadeurs dans un pays d'Asie. Note perso : penser à apporter une lampe de poche la prochaine fois.


Musée des Confluences de Lyon

Je me retrouve dans ce qui est visiblement la collection asiatique. Très joli, très rouge. Bon, le dinosaure, ce ne sera pas pour cette fois.


Musée des Confluences de Lyon
On faisait de belles choses en ivoire...

Musée des Confluences de Lyon
Et on faisait de belles choses en pierre...

Je poursuis mon trajet et sors d'une salle du premier étage (?) en marchant sur de grandes vitres qui laissent voir le sol, 10 mètres plus bas. J'espère secrètement que ça tiendra et regrette de ne pas avoir attendu deux bonnes semaines, histoire d'être sûr que ça tienne avec tous ces visiteurs. Arrivé au bout des dalles vitrées, je m'aperçois que ça tient bien. Pour preuve, deux vitres sont cassées (et bien cassées, avec infiltrations liquides dessous, etc.) et personne (pas même l'employée qui glandouille à côté) n'a envisagé de mettre un plot pour indiquer aux visiteurs de marcher ailleurs. Ce doit donc être du solide. J'aurais dû avoir confiance.

Musée des Confluences de Lyon
Au milieu de tout cela, une tête d'Alexandre.

Je décide d'aller faire un tour sur le toit, puisqu'il paraît qu'on peut y accéder. J'emprunte un chemin qui serpente autour du "diamant" (le nom que les gérants tentent de vendre au public pour désigner l'entrée et son "trou", mais qui rappelle plutôt le coût faramineux de la chose). Du zirconium aurait aussi bien fait l'affaire... ;o)

Musée des Confluences de Lyon
Beaucoup de statues se ressemblent énormément... Celle-ci est surnommée "le contribuable furieux".

Des câbles trainent, les marches des escaliers, en béton, sont parfois bien amochées (mais bon, si c'est pour rajouter 3 millions en changeant deux marches, on va faire avec), personne n'a jugé utile de ramasser les déchets qui traînent au sol des salles privatisables visiblement en cours d'aménagement au troisième étage)... Il y a beaucoup de gens un peu partout qui surveillent on ne sait quoi, mais j'ai l'impression que personne n'a un regard d'ensemble en se disant : "Là, ça fait crade, il faudrait nettoyer..."


Musée des Confluences de Lyon
Une machine à crypter de l'OTAN.

Sur le toit, un pauvre gars en gilet orange fluo surveille dans le froid (il n'a pas dû être sage pour avoir récupéré ce poste, alors que les autres papotent bien au chaud dedans). La vue est sympa, même si le côté biscornu du toit ne permet finalement pas de voir grand chose.

Musée des Confluences de Lyon
En cas de tendinite, c'est la déprime pour le kiné...


Musée des Confluences de Lyon
Vue sur l'A7. Et les nouveaux bâtiments de la Confluence.

Un café/fast-food se trouve sur le toit. Il est pris d'assaut par (seulement) 50 personnes. Il faut dire que la belle police d'écriture choisie pour indiquer les prix amène tout le monde à confondre les 3 et les 5, ce qui fait qu'on entend des "5 euros la bouteille d'Evian, mais ils sont tarés !". Déjà qu'à 3 euros... Forcément, on perd du public en route.


Musée des Confluences de Lyon
Vue sur le "diamant"
(comme on voit, l'eau ne peut pas couler à l’intérieur du "trou").

Je redescends donc, pas par les ascenseurs à moitié en panne et systématiquement symétriquement opposés à moi par rapport au rez-de-chaussée, mais par l'étroit chemin qui serpente autour du "diamant" et où les poussettes croisent les gens qui s'arrêtent un peu partout pour prendre des photos.


Musée des Confluences de Lyon
Vue de côté.

Bon, en conclusion, c'est prometteur. Cela donne l'impression d'être plus grand à l’intérieur que vu de l'extérieur. Curieusement, alors que tout est vitré, les salles d'exposition sont très, très sombres. J'y retournerai bientôt (et sans doute assez souvent), histoire de parcourir l'intégralité du lieu dont, pour l'instant, je n'ai pas réussi à saisir la logique interne. Une toute petite partie des objets est exposée, c'est dommage (le musée compte, je crois, plus de deux millions de pièces, dans son fonds). Mais il reste des choses à mettre en place : réparer rapidement les trucs cassés, permettre plus facilement de distinguer les fonctions des videurs/gardiens/personnes-ressources, mettre des distributeurs de tickets, comme au cinéma, pour limiter l'attente aux caisses, graisser ce fichu escalator... et réfléchir à cet accès-boutique qui sert de coupe-file, en fait. Ça ne valait peut-être pas 530 €, mais c'est pas mal quand même, comme équipement touristico-culturel...