jeudi 27 décembre 2012
Morceaux choisis du "Prisonnier du ciel" de Carlos Ruiz Zafón
Par Bruce Demaugé-Bost
Après m'avoir fait découvrir l'excellent "L'ombre du vent”, une amie m'en a offert récemment la suite : "Le prisonnier du ciel", de Carlos Ruiz Zafón. Comme j'aime bien garder une trace des phrases qui me plaisent, en voici quelques unes, absolument pas représentatives de l'ouvrage, dont l'histoire se passe dans l'Espagne des années 40 et 50. La traduction est de l'incontournable François Maspero.
"Il est des époques et des lieux où n'être personne est d'avantage honorable qu'être quelqu'un." (p.180)
"Ce soir-là, personne ne l'empêcha de s'en aller ni ne lui dit adieu. [...] . Il partit, invisible parmi les invisibles, vers les rues d'une Barcelone où régnait l'électricité. [...] Il acheta un billet pour la destination la plus lointaine qu'il trouva et passa la nuit dans le bus, roulant sur des rues désertes fouettées par la pluie. Il fit la même chose le lendemain, et ainsi, après des journées de train, de marche et de bus de nuit, il finit par arriver là où les rues n’avaient pas de nom, les maisons pas de numéro, et où personne ne se souvenait de lui. Il fit cent métiers et n'eut aucun ami. Il gagna de l'argent qu'il dépensa. Il lut des livres qui parlaient d'un monde auquel il ne croyait plus. Il commença des lettres sans jamais les terminer. Plus d'une fois il alla au bord d'un pont ou d'une balustrade et contempla sereinement l'abîme." (p.188)
"Presque tout le monde a perdu un proche, d'un bord comme de l'autre.
– Je ne suis d'aucun bord, répliqua Fermín. Pour moi, les drapeaux sont des chiffons de couleur qui sentent le renfermé, et il me suffit de voir quelqu'un se draper dedans et se remplir la bouche d'hymnes pour que ça me donne la colique. J'ai toujours pensé que pour s’attacher si fort à un troupeau, il faut avoir quelque chose du mouton.
– Ça ne doit pas être tous les jours rose pour vous dans ce pays.
– Vous n'imaginez pas à quel point." (p.196)