Une cinquantaine d'années après le film d'Yves Robert qui a si bien marqué les esprits que tout le monde peut en citer la remarque-culte, les vautours du cinéma se sont précipités sur l'histoire pour laquelle ils n'auront plus à verser de droits d'auteur. Parmi les huit long-métrages lancés, deux ont été finalisés et sont sortis sur les écrans blancs à une semaine d’intervalle. Histoire d'estimer s'il y avait lieu d'amener les élèves en voir un, je suis allé visionner les deux (un peu à reculons, disons-le). Résumé hyper-rapide, étant donné que la presse a réalisé de beaux comparatifs...


Le film de Yann Samuel, tout d'abord, qui privilégie les enfants de la fin des années 50. Pas de gros moyens, un côté un peu brouillon parfois, avec quelques blagues éculées ("À trois on y va ! – Mais on n'est que deux !"). Un peu de musique, sans plus et des adultes relativement discrets. L'opposition filles/garçons est assez marquée et constitue un enjeu dans l'élaboration de la bande. Les deux écoles, le curé, une scène amusante mais surjouée entre les deux instits joués par Eric Elmosnino et Alain Chabat... Les élèves gagneront à avoir été familiarisés, quelques jours avant le visionnage, avec la Complainte de Mandrin.


Christophe Barratier ensuite, l'auteur du sympathique remake de "La cage aux rossignols" : "Les choristes". Le début du film fait un peu peur. On a tout d'abord droit à une musique grandiloquente et trop présente (qui hésite sans vraiment choisir entre Jurassic park et Out of Africa) ; l’overdose de violons est atteinte en quelques minutes. L'image est soignée et l'on sent que le réalisateur maîtrise son cadrage. Les deux premières phrases de "Maréchal, nous voilà" font écho au recrutement des "Choristes" par Gérard Jugnot (oui, l'histoire de Louis Pergaud a été transposée en 1944). En réponse à une demande d'un fils de collabo qui voudrait la chanter plus souvent, l'instit (Guillaume Canet) répond un amusant : "Seulement le lundi car il ne faut pas abuser des bonnes choses." Vient ensuite la voix suraigüe de "Petit Gibus", dont on n'attend qu'une chose : qu'il mue vite ou la ferme. On notera un effet d'optique bizarre (j'ignorais qu'en regardant dans des jumelles par le grand bout de la lorgnette on voyait les gens à l'envers...) et un appesantissement désagréable voire malsain sur tout ce qui peut ressembler à de la torture. Heureusement, ces scènes sont contrebalancées par une réflexion plus poussée (quoique rapide) sur la traîtrise et la justice. Les adultes sont un peu plus présents et Gérard Jugnot a droit à un rôle cousu de fil blanc. La fin se débarrasse sans la traiter d'une situation bien problématique pour nombre de protagonistes. Expliquer qui était Pythagore et présenter rapidement la place de son théorème dans l'enseignement secondaire pourra être utile à vos élèves avant visionnage.


Bref, entre les deux, c'est le film de Yann Samuell qui m'a le plus plu. Pas que l'autre soit mauvais, mais je l'ai trouvé moins riche avec l'insertion du thème bâclé de "l'enfant-juive-cachée" qui tient plus de l'exercice de style visant à justifier ce doublon cinématographique que d'un atout pour l'histoire. La "nouvelle guerre..." sera, à la limite, intéressante pour les classes qui travailleraient sur la Seconde Guerre Mondiale cette année (mais, de ce point de vue, "Monsieur Batignole" est indiscutablement meilleur). Dans les deux productions on notera des répliques plaquées, téléguidées, et pas toujours bien jouées (tant par les enfants que par les adultes...) À leur décharge, les répliques en question sont injouables. Dans la société actuelle, bien différente de celle de 1962, il n'est bien entendu plus question de montrer des enfants nus. Yann Samuell a cependant trouvé une parade plus fine que Christophe Barratier et parvient à moins s'écarter de l'esprit de Louis Pergaud. Ses acteurs sont plus touchants et plus crédibles, m'a-t-il semblé... Jusque dans la belle variété d'injures que découvriront les spectateurs de Y. Samuell ;o) . Les vacheries sorties par le producteur de "La nouvelle guerre..." à l'encontre de Yann Samuell ont achevé de me convaincre ("On ne pouvait pas deviner qu'ils allaient continuer pour un résultat qui ressemble plus à un téléfilm qu'autre chose." – Métro, 21 sept 2011, p.11). Le nombre d'entrées nous dira qui le public a choisi... Moi, j'ai préféré le "téléfilm". Et de loin.