Du lourd et du dense, pour ce vingt-neuvième numéro de N'autre école qui vient de paraître et analyse en profondeur le concept de compétences, tel que le monde des entreprises et celui de l'école se l'approprient ou le subissent. Les enjeux de l'évaluation institutionnelle par compétences, de la mise en place du "socle commun", se bornent-ils aux seules bonnes intentions affichées ? L'histoire de la désobéissance d'enseignants sert par ailleurs de fil rouge complémentaire à ces articles de grande qualité, dont je retiens particulièrement l’interview d'Angélique del Rey, qui a publié en janvier 2010 “À l'école des compétences”. Les versions papier (4 €) ou téléchargeable (2 €) peuvent être commandées ici. La revue peut également être consultée gratuitement en ligne...

Comme l'avait si bien énoncé un collègue du mouvement Freinet : "Si l'on découpe un arbre en tranches et que l'on replace ces tranches les unes sur les autres, on n'aura plus jamais un arbre. On aura un tas de bois." L'évaluation par compétences n'est pas mauvaise en soi, mais rend nécessaire de porter une attention particulière à la vie de la classe, au sens que revêtent les apprentissages pour chaque élève, aux relations que construisent et entretiennent tous les acteurs de la classe, pour que la sève continue de couler.


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On notera au passage que la proportionnalité, une des notions-clés travaillée en mathématiques au cycle 3, n'est pas une compétence maîtrisée par tous. C'est d’autant plus fâcheux lorsque les "tous" en question gèrent les effectifs d'enseignants et le remplacement des départs à la retraite en appliquant un ratio gouvernemental... ;o) "10 objets identiques coûtent 22 euros. Combien coûtent 15 de ces objets ?"


Petit bonus pour terminer, un conte de Sophie Chérer d'une actualité cuisante : L'ogre maigre et l'enfant fou. Les ogres en ont un jour assez de passer leur vie à courir dans les bois après les enfants pour les dévorer. L'un d'entre eux a soudain l'idée de les élever pour en avoir toujours sous la main. Forcément, après quelques temps, une nouvelle amélioration est apportée : plutôt que de s'ennuyer à cuisinier de bons petits plats, à promener et dorloter ces enfants, mieux vaut agrandir les élevages et se spécialiser. De merveilleux médicaments viennent régler chaque problème : des hormones pour les faire grandir plus vite, des somnifères plutôt que des histoires s'ils ont du mal à dormir, des anxiolytiques s'ils ont peur, etc. Un ogre, pourtant, ne suit pas le mouvement progressiste et persiste à élever les enfants “à l'ancienne”... Il va même jusqu'à leur donner des noms, refusant de leur agrafer un numéro dans l'oreille. Mais la maladie guette, et le mode d'élevage d'enfants dominant va entraîner un drame sans précédent...

Une lecture qui a entraîné un débat de bonne qualité en classe, à un moment ou des âmes (forcément désintéressées) veulent réintroduire les farines animales de sinistre mémoire dans l'alimentation des cheptels. À croire que les prions que ces tristes sires ont produits en 1996 leur ont déjà rongé une partie du cerveau.