Une petite réflexion aujourd'hui sur un point du programme d'un des deux candidats à la présidence de la République : exiger que les élèves se lèvent quand le professeur entre en classe.

Est-ce cela, le rétablissement de l'autorité ? Cela a-t-il un sens autre qu'électoraliste de réduire le respect à l'intérieur d'un établissement scolaire à d'inutiles marques de déférence ? Car, concrètement, y a-t-il une seule raison qui amènerait les élèves à se lever à l'entrée d'un enseignant, autre qu'une vision bien passéiste (donc à la mode) et idéalisée de l'école de la IIIe République ? L'école publique n'est pas un tribunal.

Je me permets donc d'aller à contre-courant, et d'apporter un témoignage personnel : dans mon école, les élèves peuvent tutoyer les enseignants, directeur compris. Cela choque parfois les remplaçants ou certains visiteurs. Sûr que le vouvoiement permettrait d'aborder en situation une nouvelle personne de la conjugaison. Néanmoins, dans la vraie vie, les gens que l'on côtoie quotidiennement, plus de 6 heures par jour, et que l'on apprécie, il paraît relativement normal de les tutoyer.

Aussi ne faisons-nous pas comme cette enseignante de CM2 lyonnaise qui permet à ses élèves de la tutoyer le premier trimestre, puis exige d'eux qu'ils la vouvoient à partir de janvier, histoire de les "préparer au collège". Les élèves peuvent nous tutoyer s'ils le désirent. Il n'y a pas d'obligation. En général, par ailleurs, ils nous appellent "maître(sse)" lorsque nous sommes leur enseignant(e), puis par notre prénom lorsqu'ils sont inscrits dans une autre classe.

Croyez-moi ou non, mais quand de nouveaux élèves arrivent d'une autre école... ce bien souvent sont ceux qui ont été les plus formatés au vouvoiement et qui ne parviennent pas à s'en départir qui posent par ailleurs le plus de problèmes de comportement et, en particulier, de respect.

Si les marques ostensibles de déférence allaient de pair avec le respect, cela se saurait. Il n'y a qu'à voir les conseils de ministres où chacun se donne du "Monsieur le ministre" à qui mieux mieux et vomit sa bile sur son acolyte l'instant d'après, face aux caméras.

Quel message enverrait-on aux élèves en exigeant d'eux de se lever lorsqu'un enseignant entre en classe ? Tout simplement que la soumission aveugle à l'adulte prime sur le travail. Or, les élèves ne sont pas (plus ?) confiés à l'école pour devenir de futurs bons petits soldats. Ils sont là avant tout pour apprendre. Aucune raison, donc, qu'ils abandonnent leurs activités parce qu'un adulte arrive.

À chasser sur les terres de l'extrême-droite et des sauveteurs de lettres, on finit par en oublier de réfléchir. Jusqu'à, preuve du contraire...